30/06/2025 journal-neo.su  9min #282744

S.e. M. Mikhaïl A. Golovanov : « Nous poursuivons notre travail sans nous soucier des réactions négatives potentielles de la part des États inamicaux »

 Alexei Bolshakov,

Les relations de la Russie avec Djibouti et la Somalie connaissent un développement constant, fondé sur le respect mutuel, les liens historiques et une volonté commune de dialogue constructif. Les visites de haut niveau, l'intensification des contacts et l'expansion des initiatives humanitaires témoignent toutes de l'intérêt croissant des pays pour le renforcement de la coopération bilatérale.

Dans cet entretien exclusif pour New Eastern Outlook, Son Excellence M. Mikhaïl A. Golovanov, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Fédération de Russie auprès de la République de Djibouti et de la République fédérale de Somalie (par cumul), évoque les principaux axes de coopération, les perspectives de participation de la Russie aux projets d'infrastructure dans la Corne de l'Afrique, ainsi que le rôle géopolitique des pays où il est accrédité dans un contexte de concurrence mondiale accrue.

- Comment évalueriez-vous l'état actuel des relations entre la Russie et Djibouti ?

- Les relations entre la Russie et Djibouti se développent de manière constante. En avril de cette année, une délégation russe de haut niveau, dirigée par la Vice-présidente de la Douma d'État de l'Assemblée fédérale de la Fédération de Russie, Viktoria Abramtchenko, s'est rendue dans le pays. Des entretiens approfondis ont eu lieu avec le Président Ismaïl Omar Guelleh, le Président de l'Assemblée nationale Dileita Mohamed Dileita, le Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale Abdulkadir Hussein Omar, ainsi qu'avec le Ministre de l'Économie et des Finances Ilyas Moussa Dawaleh. Plusieurs accords concrets ont été conclus et sont déjà en cours de mise en œuvre. Cette visite faisait suite à celle, en février dernier, d'une délégation parlementaire djiboutienne en Russie, dirigée par le Président de l'Assemblée nationale.

En juin, le Président Guelleh a adressé ses chaleureuses félicitations au Président Vladimir Poutine et au peuple russe à l'occasion de la Fête nationale de la Russie. Dans son message, le dirigeant djiboutien a souligné que « Djibouti et la Russie sont unis par des relations privilégiées, tissées de liens historiques, de contacts de haut niveau et d'une coopération multiforme ».

Nous pouvons donc affirmer avec confiance que le dialogue politique entre nos deux pays reste stable. Nous continuerons à œuvrer pour son développement.

- Quelles sont, selon vous, les priorités dans le développement de la coopération bilatérale entre la Russie et les pays où vous êtes accrédité ?

- Dans nos relations avec Djibouti et la Somalie, nous mettons systématiquement en œuvre les principes définis dans le Concept de politique étrangère de la Fédération de Russie. Nous considérons l'Afrique comme l'une des priorités de la politique étrangère russe, et nous bâtissons notre coopération sur les traditions anciennes d'amitié et de respect mutuel. La Russie se montre solidaire des pays africains dans leur aspiration à établir un monde multipolaire plus juste et à éliminer les inégalités socio-économiques, exacerbées par les politiques néocoloniales de plusieurs pays développés. Contrairement à ces approches néocoloniales que l'Occident continue d'imposer dans ses relations avec l'Afrique, nous prônons une coopération équitable et respectueuse.

- Comment les pays de la région réagissent-ils à l'attention croissante que porte la Russie à l'Afrique ?

- Nous constatons un vif intérêt de la part de Djibouti et de la Somalie pour un approfondissement de la coopération multidimensionnelle avec la Russie. Nous œuvrons activement au renforcement de nos relations dans tous les domaines, et nos initiatives rencontrent un soutien et une compréhension totales.

- La crise ukrainienne a-t-elle eu un impact sur les contacts avec les partenaires africains, notamment dans la région de la Corne de l'Afrique ? Ces pays sont-ils devenus plus prudents dans leurs relations avec la Russie ?

- À Djibouti et en Somalie, on comprend parfaitement les arguments de la Russie concernant les causes profondes de la crise ukrainienne, ainsi que notre engagement en faveur d'un monde multipolaire et plus équitable. Nous ne constatons donc ni prudence excessive, ni parti pris à l'encontre de la Russie. Au contraire, les récents contacts de haut niveau confirment cette évaluation. Nous poursuivons le développement de relations sincèrement amicales avec nos partenaires, dans l'intérêt de nos peuples.

- La Russie envisage-t-elle d'élargir sa présence économique ou humanitaire à Djibouti ? Des opportunités sont-elles à l'étude pour permettre aux entreprises russes de participer à des projets d'infrastructure ou de logistique dans le pays ?

- La partie russe explore actuellement les perspectives d'un renforcement de la coopération commerciale et économique avec Djibouti. Dans les domaines culturel, humanitaire et scientifique, notre engagement reste traditionnellement très actif.

Un exemple récent : en avril de cette année, une importante délégation russe dirigée par R.V. Gorbounov, directeur de l'Institut de biologie des mers du sud A.O. Kovalevski de l'Académie des sciences de Russie (Sébastopol), a pris part à une grande conférence environnementale intitulée Climate Change Research and Resilience (2CR2). Un rapport russe y a été présenté et a suscité un vif intérêt. Il convient de noter que l'événement s'est tenu sous le patronage et avec la participation personnelle du président djiboutien Ismaïl Omar Guelleh, et a eu un écho notable dans les milieux scientifiques internationaux et régionaux.

Depuis l'époque soviétique, nous attachons une grande importance au soutien des pays africains dans la formation de personnel national qualifié. Pour l'année universitaire 2025/2026, 25 bourses d'études financées par le gouvernement russe ont été attribuées à Djibouti pour des études en Russie.

- Comment la Russie entend-elle renforcer sa présence navale ou logistique dans la région, sachant que la Chine dispose déjà d'une base à Djibouti et que les États-Unis et la France y sont toujours actifs ? Des projets de création de « hubs techniques » ou « logistiques » sont-ils à l'étude ? Quels sont, selon vous, les principaux obstacles à leur mise en œuvre ?

- La question de l'établissement d'une installation logistique pour la Marine russe à Djibouti n'est plus d'actualité pour notre partie, et aucune négociation concernant l'ouverture d'une base russe n'est en cours.

- Cela dit, je tiens à souligner l'excellent niveau de coopération avec nos partenaires djiboutiens en matière maritime. Toutes nos demandes d'escales de navires de guerre russes dans les ports djiboutiens sont systématiquement acceptées. En 2023, un groupe naval de la Flotte du Nord de la Fédération de Russie, composé de la frégate Amiral Gorchkov et du pétrolier moyen Kama, a effectué une escale à Djibouti. Cet événement est encore chaleureusement rappelé dans le pays, où nos partenaires partagent l'approche de la Russie en matière de renforcement de la sécurité dans la Corne de l'Afrique.

- Comment évaluez-vous la pression exercée par les pays occidentaux sur le gouvernement de Djibouti dans le contexte d'un rapprochement potentiel avec la Russie ? Avez-vous été confronté à une opposition directe à de telles initiatives ?

- Malgré la pression de l'Occident - principalement des États-Unis et de la France - les autorités djiboutiennes n'ont pas remis en cause leur coopération avec la Russie. Nous poursuivons notre travail sans nous soucier des réactions négatives potentielles de la part d'États inamicaux, et nous notons le soutien constant de nos partenaires djiboutiens, sensibles à nos arguments. Nos relations bilatérales reposent sur des principes immuables de respect mutuel, de prise en compte des intérêts de chacun et de volonté sincère de construire un monde multipolaire fondé sur la justice.

- Comment décririez-vous la position de Djibouti dans la situation géopolitique actuelle dans la Corne de l'Afrique, notamment à la lumière des tensions croissantes entre l'Éthiopie et l'Érythrée ?

- Djibouti est un membre actif d'organisations internationales respectées telles que l'Union africaine, l'Organisation de la coopération islamique et l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD). Dans le cadre de ces structures, Djibouti adopte une ligne constante en faveur du règlement des conflits régionaux par des moyens exclusivement politiques et diplomatiques. Le Président Ismaïl Omar Guelleh met efficacement à profit son autorité reconnue pour faire avancer les initiatives de paix et promouvoir la stabilité et la sécurité dans la Corne de l'Afrique.

D'une manière générale, je souhaiterais souligner le haut niveau de la diplomatie djiboutienne : sa voix se fait entendre non seulement en Afrique du Nord-Est, mais aussi bien au-delà. Un exemple clair en est l'élection, en février de cette année, de l'ancien Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de Djibouti, M. Mahmoud Ali Youssouf, au poste de Président de la Commission de l'Union africaine. Cet événement a été largement salué dans les cercles diplomatiques comme un grand succès pour Djibouti, et nous partageons pleinement cette évaluation. Nous souhaitons à nos amis djiboutiens tous nos vœux de réussite.

- Comment évoluent les relations entre la Russie et la Somalie ?

- La Russie et la Somalie entretiennent des liens d'amitié de longue date, fondés sur le respect mutuel et la prise en compte des intérêts de chacun. Depuis les années 1960, Moscou a fourni une assistance pratique importante à la Somalie dans le processus de construction de son État après l'indépendance. Nous continuons de coopérer activement avec Mogadiscio sur diverses plateformes internationales, notamment aux Nations unies, en tenant compte du fait que la Somalie siège en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité de l'ONU pour la période 2025-2026.

Une étape majeure dans le développement de nos relations bilatérales a été la visite de travail effectuée en avril de cette année en République fédérale de Somalie par le Représentant spécial du Président de la Fédération de Russie pour le Moyen-Orient et l'Afrique, également Vice-ministre des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov. Ce dernier a eu des entretiens approfondis avec le Président Hassan Sheikh Mohamud et le Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale Ahmed Moallim Fiqi. Il s'agissait de la première visite d'une délégation russe de ce niveau en Somalie depuis plus de trente ans, et elle a été très chaleureusement accueillie par la partie somalienne.

Dans le cadre de la poursuite de nos contacts bilatéraux, une délégation officielle du Sénat du Parlement fédéral somalien, conduite par son Président Abdi Hashi Abdullahi, s'est rendue à Moscou du 1er au 5 juin de cette année, à l'invitation de la Présidente du Conseil de la Fédération de l'Assemblée fédérale de la Fédération de Russie, Valentina Matvienko.

- Quelle est la position officielle de Moscou concernant le Somaliland ?

La position de la Russie à l'égard du Somaliland demeure cohérente et inchangée. Nous soutenons fermement la souveraineté et l'intégrité territoriale de la République fédérale de Somalie. Nous saluons les efforts déployés par le gouvernement somalien en faveur de l'instauration d'un dialogue politique interne inclusif, visant à unir toutes les régions du pays dans la perspective d'une réconciliation nationale, d'une paix durable et d'une sécurité renforcée.

Alexeï BOLSHAKOV, africaniste, journaliste international

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